Dans cette interview, Alberto Verde nous décrit sa motivation à rejoindre les 30 autres partenaires impliqués dans le projet SwissRenov, un Flagship soutenu par Innosuisse.

M. Verde, pouvez-vous présenter l'entreprise pour laquelle vous travaillez ?

DOLCI Architectes SA est un bureau d'architecture et d'urbanisme fondé à Yverdon-les-Bains en 1956, et actif dans toute la Suisse romande. Nous sommes spécialisés dans la conception de projets durables, couvrant une large gamme de services tels que l'architecture, l'urbanisme, la rénovation du patrimoine architecturale, l’assainissement énergétique et le conseil en durabilité. Notre équipe travaille sur des projets résidentiels, commerciaux, industriels et publics, en intégrant systématiquement des principes de construction durable pour réduire l'empreinte environnementale. Notre engagement pour la durabilité est récompensé depuis 2019 par la certification EcoEntreprise Excellence.

En quelques mots, quels sont vos parcours et expériences professionnelles ?

Né à Bologne en Italie, je suis architecte associé chez DOLCI Architectes SA depuis 2023. J'ai obtenu mon Master en architecture à l’École d’architecture et d’urbanisme de Ferrare (UNIFE) en Italie. Mon parcours académique se poursuivi ensuite en Argentine à l’Universidad Catolica de Córdoba. En 2018, je décrochai mon Ph.D en architecture et planification urbaine dont le sujet de ma thèse traita du potentiel de reconversion durable des friches industrielles héritées de la filière du pétrole. Pendant plusieurs années, j'ai également été chargé de cours aussi bien à l’EPFL qu’à l’Université de Ferrare. 

Après mon arrivée en Suisse en 2013 et mes premières années au sein du bureau DOLCI en qualité de chef de projet, j'ai rejoint la direction opérationnelle en 2019 et suis devenu, entre autres, responsable développement durable projet.

C’est sous mon impulsion que le bureau DOLCI souscrit à la démarche EcoEntreprise Excellence. Mon engagement pour une approche durable s’illustre également au travers de mon implication au sein de diverses associations. Je suis également membre du comité de l’Association suisse pour des quartiers durables, de l’UPIAV, et président de Construction Vaud, et membre du comité scientifique de la revue trimestrielle italienne OFFICINA qui traite d’architecture, de technologie et d’environnement.

Quelle a été la motivation de DOLCI Architectes à rejoindre le projet SwissRenov ?

Notre motivation à rejoindre le projet SwissRenov réside dans l'engagement de notre bureau envers la durabilité et l'innovation dans le secteur de l'architecture et de l'urbanisme. SwissRenov représente une opportunité précieuse de contribuer à la filière du réemploi des matériaux en Suisse, une démarche essentielle pour relever les défis environnementaux actuels.

Grâce à une collaboration récente avec la HEIG-VD autour de la valeur résiduelle des matériaux de réemploi, nous avons renforcé notre expertise dans ce domaine. Ce projet, qui portait sur un quartier durable que nous développons dans la région d'Yverdon-les-Bains, a confirmé l'importance du réemploi dans les projets d'envergure et notre volonté de soutenir activement ce type d'initiatives.

En quoi le projet SwissRenov représente une opportunité pour vous ?

Participer au projet SwissRenov est une magnifique opportunité de mettre en pratique nos connaissances et notre expertise tout en renforçant notre engagement en faveur d’une architecture plus durable et responsable, en lien direct avec la transition vers une économie circulaire dans la construction.

Il nous permet de renforcer notre expertise dans le réemploi des matériaux tout en collaborant avec d'autres experts et expertes de notre secteur.

SwissRenov nous offre également la possibilité de contribuer à des projets concrets et de jouer un rôle actif dans la transition vers une économie circulaire en Suisse, alignée avec notre vision de l'architecture responsable et durable.

Dans quel sous-projet de SwissRenov serez-vous partenaire ?

Nous sommes partenaires dans le sous-projet 2 qui consiste à réaliser une analyse préliminaire des bâtiments ainsi que dans le sous-projet 8 qui vise à réaliser un modèle économique circulaire et durable.

En quoi votre implication va consister ?

Dans le sous-projet 2 (SP2), nous participons activement aux réflexions, notamment à travers des interviews et des workshops, pour contribuer à la création d’un outil d’analyse. Cet outil aura pour objectif de définir les orientations optimales et de formuler des recommandations adaptées à chaque acteur, afin de les aider à prendre des décisions éclairées dans le processus de valorisation des bâtiments concernés.

Dans le cadre du SP8, nous accompagnerons nos partenaires en apportant une vision et une expérience terrain pour identifier des méthodes d'application concrètes d'un modèle économique circulaire durable. Durant nos précédentes collaborations avec la HEIG-VD et Gefiswiss, nous avions déjà initié une campagne de sondages auprès d'entreprises de construction de gros-œuvre afin d'évaluer leur niveau de connaissance en matière de réemploi et d'économie circulaire. Cette démarche nous permet d'adapter les approches aux réalités du terrain et de contribuer efficacement à l'intégration des principes de durabilité dans les pratiques de construction.

Qu’allez-vous ou avez-vous déjà mis en place dans votre entreprise,en lien avec la durabilité ?

Depuis 2019, notre bureau est certifié EcoEntreprise Excellence. Cette certification nous pousse à surveiller et optimiser nos processus internes en matière de durabilité et à proposer des solutions durables dans le cadre de nos projets, afin de sensibiliser nos clients aux enjeux environnementaux.

Par ailleurs, nous sommes activement engagés dans des projets qui intègrent, dès la phase de conception, des stratégies de réemploi des matériaux. Cela permet de rendre leur application possible lors de la phase d'exécution, renforçant ainsi notre contribution à une économie circulaire et à une construction plus durable.

Quel impact pensez-vous pouvoir apporter au tissu économique jurassien au travers du projet SwissRenov ?

En collaborant avec les acteurs locaux, nous espérons non seulement renforcer leurs compétences en matière de durabilité sur la base de nos expériences passées, mais aussi encourager l’émergence de nouvelles filières autour du réemploi et de la valorisation des matériaux. Cela pourrait non seulement dynamiser l'économie locale, mais aussi positionner la région comme un leader en matière de construction durable et circulaire, avec des retombées positives à long terme pour les entreprises et les collectivités jurassiennes.

Qu’attendez-vous de ce projet, à l’issue des 4 ans ?

Nous espérons voir la mise en place d'un modèle économique circulaire durable qui puisse être appliqué de manière concrète dans le secteur de la construction, avec des outils et des méthodologies accessibles à tous les acteurs de la filière. 

Nous attendons également un impact réel sur la sensibilisation et l’adoption des pratiques de réemploi des volumes et des matériaux, tant chez les entreprises que chez les décideurs publics et privés. Le projet devrait aboutir à une meilleure intégration de ces pratiques dans les processus de planification territoriale, conception architecturale et d'exécution des bâtiments, créant ainsi des opportunités économiques et environnementales durables.

Enfin, nous espérons que SwissRenov contribuera à la pérennisation et à l'extension des approches développées au-delà du cadre initial, notamment dans d'autres régions de Suisse, tout en renforçant les collaborations entre les différents acteurs du secteur.

Quels sont les principes fondamentaux, les valeurs que vous appliquez lors de la conception et de la réalisation de projets de construction durables ?

Dès la phase de conception, nous appliquons les principes clés de : 

• compacité,
• d'orientation optimale et
• de réduction des excavations.

Nous veillons à assurer une qualité de vie adaptée aux usagers en fonction de l’affectation du bâtiment et nous comparons plusieurs scénarii bas carbone pour évaluer les avantages et inconvénients des différentes solutions constructives. De plus, nous mettons un point d’honneur à soigner la qualité des espaces extérieurs et du projet paysager afin de créer un cadre de vie harmonieux et durable.

Comment intégrez-vous les considérations environnementales dans vos décisions de conception et de construction ?

Nous priorisons l'efficacité énergétique, la réduction des émissions de carbone et l’utilisation de matériaux durables. Nos décisions sont guidées par des analyses de l'impact écologique, en tenant compte de la gestion des ressources naturelles, comme l’eau et l’énergie. Nous privilégions des techniques de construction qui limitent les perturbations du site naturel, et nous adaptons nos projets pour maximiser l'intégration harmonieuse dans l’environnement local, tout en minimisant l'empreinte écologique.

Quels sont vos critères de sélection de fournisseurs et de partenaires pour garantir la durabilité de vos projets ?

Nous privilégions les entreprises qui s'engagent à utiliser des matériaux écologiques et certifiés, tout en minimisant leur empreinte carbone. Leur conformité aux normes environnementales et de durabilité, ainsi que leur capacité à proposer des solutions innovantes, est un critère important. De plus, nous favorisons les partenaires locaux pour réduire l'impact lié au transport et soutenir l'économie locale, tout en assurant une transparence et une traçabilité des approvisionnements.

Comment gérez-vous les déchets de construction et favorisez-vous le recyclage sur vos chantiers ?

Nous mettons en place une gestion rigoureuse des déchets sur nos chantiers en priorisant la réduction à la source, le tri sélectif et le recyclage.

Dès la phase de conception, nous cherchons à limiter les matériaux non recyclables et à optimiser les ressources. Sur les chantiers, des zones de tri sont aménagées pour séparer les différents types de déchets (bois, métal, béton, etc.), et nous collaborons avec des partenaires spécialisés dans le recyclage pour valoriser ces matériaux. De plus, nous sensibilisons nos équipes et sous-traitants aux bonnes pratiques pour minimiser l'impact environnemental des déchets de construction.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de projets où vous avez réussi à intégrer des solutions durables de manière efficace ?

Le quartier Longemale à Pomy représente un projet phare en matière de développement durable. En plus d’un cahier de charge du maître de l’ouvrage très orienté vers la mixité intergénérationnelle (20% des appartements sont pour les seniors), une partie des bâtiments sera réalisée en structure porteuse en bois, un choix cohérent avec notre engagement en faveur de l'empreinte carbone réduite et de l'utilisation de matériaux renouvelables. En parallèle, un cahier des charges spécifique à la Biodiversité SEED a été intégré pour les aménagements extérieurs, garantissant que le projet favorise la diversité végétale et animale. Des espaces verts, tels que des jardins communautaires, sont aménagés pour encourager la cohésion sociale tout en offrant un habitat propice à la petite faune

Pour la transformation du Manège du Château de Mathod, nous avons choisi un concept innovant de "boîte dans la boîte". Ce principe consiste à insérer une structure intérieure amovible en bois au sein du bâtiment existant, permettant ainsi une meilleure gestion des usages futurs tout en respectant la valeur patrimoniale de l’existant. Le manège étant classé en note 2, un arbitrage a dû être fait entre la conservation du patrimoine historique et l’efficacité énergétique. La boîte entièrement réversible, qui accueille un logement et 4 chambres d’hôtes, assure que l’intégrité du bâtiment d’origine est préservée, tout en offrant des performances thermiques comparables à des nouvelles constructions (classe B énergétique), un compromis intelligent entre préservation patrimoniale et développement durable.

Quels sont, selon vous, les goulots d’étranglement dans l’intégration des valeurs de durabilité dans les projets de construction actuels ?

Les principaux obstacles à l'intégration de la durabilité dans les projets de construction sont les coûts des solutions plus écologiques et bas carbone et le manque de formation des professionnels aux nouvelles alternatives plus durables. Une collaboration accrue entre toutes les parties prenantes est nécessaire pour surmonter ces défis et favoriser une transition plus fluide vers des pratiques durables.

Comment pourrait-on améliorer cette situation ?

Pour améliorer l’intégration de la durabilité dans la construction, des incitations financières et la simplification des réglementations sont essentielles. Il est également crucial de continuer d’investir dans la formation et d’encourager la production locale de matériaux durables. Par exemple, dans le canton de Vaud, l'État collabore avec les faîtières via ConstructionVaud pour créer un "Centre de Compétences pour la Durabilité dans la Construction". Ce centre réunira tous les acteurs du secteur, facilitant ainsi la mise en œuvre de pratiques durables et innovantes à grande échelle.